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Крымское ханство (1441 - 1783) |
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Khanat de Crimée
Qırım Yurtu, قريم يورتى (crh)
Крымское ханство (ru)
Le khanat de Crimée vers 1600
Capitale | Qirim, puis Qirq Yer |
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Superficie | 150 000 km2 |
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1441 | Indépendance vis-à-vis de la Horde d'or |
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1478 | Établissement du protectorat ottoman |
1502 | Défaite de la Horde d'or face aux troupes criméennes |
1572 | Bataille de Molodi : défaite face à Moscou |
1783 | Annexion du khanat par la Russie |
1792 | Traité d'Iași : intégration définitive à l'Empire russe |
(1er) 1441-1456 | Haci Giray |
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(Der) 1782-1783 | Chahin Giray |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
Le khanat de Crimée (tatar de Crimée : Qırım Hanlığı, russe : Крымское ханство, Krymskoye khanstvo ; ukrainien : Кримське ханство, Kryms'ke khanstvo ; turc : Kırım Hanlığı ; polonais : Chanat Krymski) est un ancien État gouverné par les Tatars de Crimée de 1441 à 1783. Son nom originel était Qırım Yurtu (tatar de Crimée : Qırım Yurtu, قريم يورتى). Parmi les khanats turcs issus de l'éclatement de la Horde d'or, le khanat de Crimée est celui qui a duré le plus longtemps.
Le khanat s'étendait sur 150 000 km2 de terres souvent inhabitées principalement situées dans la péninsule de Crimée (excepté la côte sud-est et les ports contrôlés par les Grecs et les Génois) et la steppe de Coumanie, entre les embouchures du Dniestr et du Dniepr.
Le khanat de Crimée fut fondé lorsque certain clans de la Horde d'or cessèrent leur vie nomade dans le Desht-i Kipchak (steppes kiptchakes de l'actuelle Ukraine et du sud de la Russie) et décidèrent de faire de la Crimée leur yurt (« pays »), qui jusqu'alors avait été l'un des Ulu de la Horde d'Or depuis 1239. Sa capitale était située à Qirim (Staryï Krym).
Les Tatars locaux invitèrent un Gengiskhanide compétiteur pour le trône de la Horde d'Or, Hacı Giray, à devenir leur khan. Hacı Giray accepta leur invitation et rentra de son exil en Lituanie. Il combattit contre la Horde d'Or de 1420 à 1441, et finit par obtenir l'indépendance. Il dut ensuite faire face à des guerres civiles avant de pouvoir monter sur le trône du khanat en 1449, après quoi il déplaça sa capitale à Qırq Yer (aujourd'hui située à Bakhtchyssaraï)[1].
La côte méridionale et les ports de Cembalo (Balaklava), Soldaia (Soudak) et Caffa (Théodosie) relevaient depuis 1235 de l'Empire grec de Trébizonde qui les concéda durant le XIIIe siècle aux Génois ; en 1362, l'Empire byzantin réunifié les réunit pour en faire le thème de Théodoros (Mangoup pour les Tatars) que le basileus Jean V Paléologue confie à l'un de ses parents, le thémarque Demetrios Paleologue Gavras, dont les descendants constituèrent une principauté grecque quasi indépendante.
Au nord de la Crimée, les fils de Haci Giray luttèrent les uns contre les autres pour lui succéder. Les Ottomans intervinrent et installèrent l'un d'eux, Meñli Ier Giray, sur le trône. En 1475, les forces ottomanes, dirigées par Gedik Ahmed Pacha, conquirent la principauté grecque de Théodoros et les colonies génoises de Cembalo, Soldaia, et Caffa (Kefe en turc). Ils emprisonnèrent Mengli Giray pendant trois ans pour avoir résisté à l'invasion. Après son retour de captivité de Constantinople, ce dernier accepta la suzeraineté de la Sublime Porte ; dès lors, le khanat fut un protectorat de l'Empire ottoman.
Le sultan ottoman disposa d'un droit de veto lors du choix des nouveaux khans de Crimée. La Porte annexa l'ancien thème de Théodoros au sud, ce qui provoqua l'exode de milliers de chrétiens dont les Arméniens tcherkessogaïs et les Grecs pontiques, et reconnut la légitimité du khan sur les steppes du nord, dans la mesure où il descendait de Gengis Khan.
Les sultans ottomans traitèrent les khans plus comme des alliés que comme des sujets. Les khans maintenaient une politique étrangère indépendante des Ottomans dans les steppes de Petite Tartarie. Ils continuèrent de battre monnaie et d'utiliser leur nom lors de la prière du vendredi, deux signes importants de souveraineté. Ils ne payaient pas systématiquement tribut à l'Empire ottoman et, parfois les Ottomans les rémunéraient pour leurs services lorsqu'ils fournissaient des éclaireurs expérimentés et de la cavalerie pour leurs campagnes[2][réf. incomplète].
À la suite de la crise dynastique de 1523, le khanat de Crimée perdit une partie de son autonomie sous le règne du successeur de Mengli Giray, Mehmed Ier Giray. Il mourut cette année-là et depuis la nomination de son successeur en 1524, les khans de Crimée furent désignés par le sultan.
L'alliance des Tatars de Crimée et des Ottomans était comparable à l'Union polono-lituanienne pour son importance et sa durabilité. La cavalerie du khanat devint vite indispensable aux Ottomans pour leurs campagnes en Europe (Pologne, Hongrie, Moldavie, Valachie) et en Asie (Perse).
En 1502, Mengli Giray défit le dernier khan de la Grande Horde, qui cessa de revendiquer la souveraineté sur la Crimée. Le khanat choisit initialement comme capitale Salaçıq près de la forteresse de Qırq Yer. Plus tard la capitale fut déplacée non loin de là à Bakhtchyssaraï, fondée en 1532 par Sahib Ier Giray. Du XVIe siècle à la fin de la dynastie des Giray, les khans de Crimée résidèrent à l'Hansaray, le palais des khans dans la ville de Bakhtchyssaraï. Salaçıq et la forteresse de Qırq Yer font aujourd'hui partie de la conurbation de Bakhtchyssaraï.
Au milieu du XVIe siècle, le khanat de Crimée revendiqua la succession de la Horde d'or, ce qui impliquait le droit de diriger les khanats tatars de la région de la Volga, en particulier le khanat de Kazan et le khanat d'Astrakhan. Ces revendications le poussèrent contre la Moscovie pour la domination dans cette région. En 1511, le khanat fournit au futur sultan ottoman Selim Ier, gouverneur de la province d'Özi, des troupes pour étendre l'Empire ottoman en Podolie. En 1569, le khanat attaqua Astrakhan, qui était passée sous le contrôle de la Russie. Deux ans plus tard, les Tatars, sous les ordres du khan Devlet Ier Giray, lancèrent un raid contre Moscou, l'incendiant et faisant environ 100 000 prisonniers. L'année suivante cependant, le khanat perdit définitivement tout accès à la Volga à la suite de sa catastrophique défaite lors de la bataille de Molodi. Les terres intérieures au nord du khanat étaient convoitées par la Moscovie pour leur productivité agricole, ayant des saisons de croissance plus longues que les siennes. À l'intérieur même de la Moscovie, l'état de guerre permanent à la frontière et la croissance des armées des nobles (boyards) provoqua une intense exploitation de la paysannerie.
Le khanat de Crimée était un des États les plus puissants d'Europe orientale jusqu'au XVIIIe siècle. En tant que musulmans, les Tatars de Crimée jouèrent un rôle indiscutable dans l'extension des frontières de l'islam, mais le khanat de Crimée passa aussi des alliances avec l'Union polono-lituanienne, les Cosaques Zaporogues et la Moscovie, car les Tatars se louaient aussi comme mercenaires à des souverains chrétiens : en 1497 par exemple, ils aidèrent le voïvode de Moldavie, Étienne le Grand, à repousser les troupes polonaises venues exiger sa soumission à la Pologne.
Les Tatars lancèrent pourtant souvent des raids sur les principautés de Moldavie et Valachie, l'Union polono-lituanienne et la Moscovie. Pour chaque prisonnier, le khan recevait une prime (savğa) fixée à 10 ou 20 %. Les campagnes des forces tatares peuvent être classées en sefers, opérations militaires officiellement déclarées et dirigées par le khan lui-même, et çapuls, raids entrepris par des groupes de nobles, parfois illégaux lorsqu'ils contrevenaient aux traités signés par le khan avec les États voisins. Le khanat maintint pendant très longtemps, jusqu'au XVIIIe siècle, un trafic d'esclaves massif en direction de l'Empire ottoman et du Moyen-Orient. Caffa était un des marchés d'esclaves les plus importants et les plus connus[3].
Dans l'autre sens, les Tatars (et leurs éclaireurs, charriers, maquignons et ferblantiers roms) pouvaient aussi être vaincus et perdre leur identité au sein des États chrétiens. Lorsque la conversion des Tatars à l'islam n'était pas encore complète, et lorsque Tatars et Roms, initialement chamanistes, perdaient une campagne contre les souverains chrétiens, nombreux furent ceux qui passèrent au christianisme : les Roms devenaient serfs (robis[4]) des boyards ou des monastères polonais, moldaves ou russes, mais des princes tatars étaient également capturés et gardés prisonniers contre rançon : quelques-uns, ne pouvant être libérés, préfèrent passer à l'orthodoxie et s'intégrer à l'aristocratie chrétienne, comme le khân Demir à l'origine la famille princière moldave Cantemir[5]. D'autres ont été installés en terre chrétienne comme éleveurs pacifiques, mais purent garder leur identité : ce sont les Tatars de Podlachie.
Le déclin du khanat de Crimée fut une conséquence du déclin de l'Empire ottoman et impliqua un changement dans l'équilibre des pouvoirs en Europe orientale qui favorisa ses voisins chrétiens. Les Tatars de Crimée revenaient de plus en plus souvent défaits et les mains vides des campagnes ottomanes, tandis que la cavalerie tatare, manquant d'équipement, supportait de lourdes pertes contre les armées russes, polonaises ou roumaines équipées d'armes modernes.
À la fin du XVIIe siècle, la Russie moscovite devint trop puissante pour que le khanat de Crimée puisse la piller. Le temps des captures d'esclaves en Russie ou en Ukraine était terminé. Ces pertes politico-économiques érodèrent à leur tour le soutien de sa noblesse envers le khan, qui eut à faire face à des conflits internes. Les Nogaïs qui fournissaient une part significative des forces militaires du khanat retirèrent aussi leur soutien au khan avant la fin de l'empire.
Dans la première moitié du XVIIe siècle, les Kalmouks créèrent un khanat kalmouk sur le cours inférieur de la Volga et, sous Ayuka Khan, menèrent de nombreuses expéditions contre le khanat de Crimée et les Nogaïs. Lorsque les Kalmouks furent intégrés à la Russie et qu'ils jurèrent de protéger sa frontière sud, le khanat kalmouk prit une part active dans toutes les campagnes militaires russes des XVIIe et XVIIIe siècles, fournissant plus de 40 000 cavaliers équipés.
En 1687-1689, la régente russe Sophie Alexeïevna, demi-sœur de Pierre le Grand, tenta sans succès de prendre contrôle du khanat, alors vassal de la Sublime Porte, lors des campagnes de Crimée.
Les forces combinée des Russes et des Ukrainiens attaquèrent le khanat lors de la campagne de Chigirin et des campagnes de Crimée. C'est durant la guerre russo-turque de 1735-1739 que les Russes, sous le commandement de Burckhardt Christoph von Münnich, arrivèrent finalement à pénétrer dans la péninsule de Crimée elle-même.
D'autres batailles eurent lieu lors du règne de Catherine II de Russie. La guerre russo-turque de 1768-1774 aboutit au traité de Kutchuk-Kaïnardji, qui rendait le khanat de Crimée indépendant de l'Empire ottoman et l'alignait sur l'Empire russe.
Le règne du dernier khan de Crimée Şahin Giray fut marqué par l'accroissement de l'influence russe et la violence de l'administration du khan contre l'opposition interne. Le 8 avril 1783, en violation du traité, Catherine II de Russie intervint dans la guerre civile, annexant de facto l'ensemble de la péninsule au gouvernement de Tauride. En 1787, Şahin Giray se réfugia dans l'Empire ottoman et fut peut-être exécuté par les autorités ottomanes pour trahison à Rhodes. Malgré cela, la famille royale Giray survécut jusqu'à aujourd'hui.
Par le traité d'Iași de 1792, la frontière russe fut étendue jusqu'au Dniestr et la conquête du Yedisan était achevée.
Concernant les règles de légitimité dynastique, le khanat de Crimée suivait les traditions de la Horde au lieu de l'idéologie autocratique des Ottomans. Les Giray faisaient remonter leur lignée jusqu'à Gengis Khan, ce qui leur donnait un ascendant sur les autres clans nobles. Conformément à la tradition des steppes, le monarque n'était légitime que s'il était de descendance royale gengiskhanide (i.e. ak süyek). Bien que la dynastie Giray fût le symbole du gouvernement, le khan gouvernait avec la participation des Beys Qaraçı, les chefs des clans nobles tels que les Şirin, Barın, Arğın, Qıpçaq, et en fin de période, Mansuroğlu et Sicavut.
Après la chute du khanat d'Astrakhan en 1556, les Nogaïs transférèrent leur allégeance d'Astrakhan à la Crimée et constituèrent un élément important du khanat. Circassiens et cosaques jouèrent aussi un rôle dans la politique du khanat, prêtant tantôt allégeance au khan et tantôt aux beys.
Les pasteurs nomades nogaïs du nord de la mer Noire étaient nominalement sujets du khan de Crimée. Ils étaient divisés en cinq groupes : Budjak (du Danube au Dniestr), Yedisan (du Dniestr au Bug), Jamboyluk (du Bug à la Crimée), Yedickul (nord de la Crimée) et Kuban.
Le territoire du khanat était divisé entre les beys, derrière lesquels se tenaient des mirzas de familles nobles. Les relations entre les paysans ou bergers et leurs mirzas n'étaient pas de type féodal. Ils étaient libres et la loi islamique les protégeait du servage. Attribuées par le village, les terres étaient travaillées en commun et les taxes pesaient sur l'ensemble du village. Les taxes représentaient un dixième de la production agricole, un vingtième du bétail et une dose variable de travail non rémunéré.
Durant les réformes du dernier khan, Şahin Giray, la structure interne changea en se calquant sur la structure turque : les terres nobles furent proclamées domaine du khan et réorganisées en qadılıqs (provinces gouvernées par des représentants du khan).
Elles étaient basées sur la loi tatare, sur la loi islamique et, dans une moindre mesure, sur la loi ottomane. Le chef de l’establishment musulman était le mufti, qui était choisi parmi le clergé musulman local. Sa principale fonction n'était pas judiciaire ni théologique mais financière. L'administration du mufti contrôlait les terres des Waqf et leurs énormes revenus.
Un autre notable musulman, le kadiasker, n'était pas désigné par le clergé mais par le sultan ottoman. Il supervisait les districts judiciaires du khanat, chacun sous la responsabilité d'un kadi. En théorie, les kadis étaient responsables devant le kadiasker, mais en pratique ils répondaient devant les chefs de clan et le khan. Les kadis déterminaient au jour le jour le comportement des musulmans du khanat.
Les minorités non musulmanes (Grecs pontiques, Arméniens tcherkessogaïs, Goths de Crimée, Adyguéens (Circassiens), Italiens génois, Moldaves, Juifs romaniotes, karaïtes et krymchaks) vivaient dans des villes, des quartiers et des villages à eux, disposaient de leurs propres institutions religieuses et judiciaires, étaient exemptés du service militaire et n'avaient pas le droit de porter les armes, et devaient acquitter une capitation supplémentaire due par les non-musulmans : le haraç. Ces dispositions, qui favorisèrent l'islamisation des plus pauvres, étaient conformes au système ottoman des Milliyets. Vivant au milieu des Tatars de Crimée, beaucoup adoptèrent le dialecte tatar local[6][réf. incomplète].
La fraction nomade des Tatars de Crimée et tous les Nogaïs étaient éleveurs de bovins. La Crimée disposait d'importants ports de commerce d'où les biens arrivant de la route de la soie étaient exportés vers l'Empire ottoman et l'Europe. Le khanat de Crimée comptait de nombreuses grandes et belles villes telles que la capitale Bakhtchyssaraï, Kezlev, Karasubazar (Karasu-market) et Aqmescit, ayant de nombreux caravansérails, hans, quartiers marchands, tanneurs et manufactures.
Les Tatars de Crimée sédentarisés étaient actifs dans le commerce, l'agriculture et l'artisanat. La Crimée produisait du vin, du tabac et des fruits. Les kilims de Bakhchissaraï étaient exportés vers la Pologne et les couteaux fabriqués par les artisans tatars étaient négociés avec des tribus caucasiennes. La Crimée était aussi réputée pour sa fabrication de soie et de miel.
Le commerce des esclaves russes ou ukrainiens était une source majeure de revenus pour les Tatars de Crimée et la noblesse nogaïe. Ce processus, connu sous le nom de « moisson de la steppe », consistait à lancer des raids sur les paysans chrétiens des pays voisins, les capturer et les vendre comme esclaves[7][réf. incomplète].
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Crimean Khanate » (voir la liste des auteurs).